Le secret défense pourrait faire capoter les débats
Le secret défense qui, comme l'immunité diplomatique, est devenu l'une des parades aux investigations judiciaires, pourrait bien perturber le procès Dumas.

Ce secret qui couvre l'affaire de la vente des frégates de Thomson à Taïwan devrait bruyamment rejaillir aujourd'hui.

L'histoire mérite des précisions. Les juges Renaud Van Ruymbeke et Dominique de Talancé, qui enquêtent sur les commissions versées par Thomson à l'occasion du marché des frégates, se sont vu opposer le secret défense par les deux derniers ministres des Finances, Laurent Fabius et Francis Mer. Ce dernier s'est fondé en juin dernier sur l'avis de Pierre Lelong, président de la commission consultative du secret de la défense nationale. Dans son argumentaire du mois de juin, il explique que la révélation des archives nuirait « de la façon la plus grave aux intérêts de la nation », et indique que le secret porte sur « la totalité des informations classifiées » relatives à la vente des frégates.

Et c'est là que l'argumentaire pourrait bénéficier aux protagonistes de l'affaire Dumas. Car le dossier jugé aujourd'hui est largement tiré des investigations sur un « réseau Elf », organisé autour d'Alfred Sirven et Christine Deviers-Joncour, qui serait intervenu en Chine pour le compte de Thomson. Ces éléments d'enquête qui ont nourri l'affaire Dumas sont-ils couverts par le secret défense ? L'avis de Pierre Lelong et la décision de Francis Mer peuvent le laisser entendre.

Dès la semaine dernière, Me Pierre Haïk, l'un des avocats d'Alfred Sirven, s'est engouffré dans la brèche en demandant que la lettre du ministre des Finances, qui figure dans son dossier d'instruction, soit communiquée à la 9e chambre de la cour d'appel de Paris.

« Si, pendant des années, le secret défense à été violé, de très nombreux actes du dossier qui doit être jugé sont nuls », affirme l'avocat.

Cette question épineuse devrait être évoquée dès la première audience et il appartiendra à la présidente, Christine Beauquis, de trancher. Paradoxalement, en imposant le secret sur l'affaire des frégates, les pouvoirs publics pourraient rendre un grand service à MM Mme Sirven, Deviers-Joncour et quelques autres.

PARIS (Reuters)

 

L'affaire Elf-Dumas jugée en appel lundi à Paris

PARIS (Reuters) - La cour d'appel de Paris juge à partir de lundi l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Roland Dumas et son ex-maîtresse Christine Deviers-Joncour dans l'affaire Elf, avec l'espoir d'éclaircir les zones d'ombre de ce dossier emblématique des scandales politico-financiers.

Cette affaire a attiré depuis plusieurs années l'attention des médias du monde entier en raison de ses ingrédients romanesques et de ses nombreux rebondissements.

Les ex-dirigeants de la multinationale Elf, Loïk Le Floch-Prigent et Alfred Sirven, sont soupçonnés d'avoir recruté Christine Deviers-Joncour - qui s'est surnommée elle-même dans un livre "la Putain de la République" - et de l'avoir couverte d'argent et d'avantages afin qu'elle amène son amant-ministre à donner son feu vert à une vente d'armes à Taïwan en 1991.

L'audience verra s'exprimer pour la première fois l'ancien n°2 d'Elf, Alfred Sirven, 75 ans. L'homme-clé du dossier a été incarcéré depuis février 2001 après son arrestation aux Philippines où il avait pris la fuite en 1997.

Revenu à Paris, Alfred Sirven avait refusé d'être présent pour la fin du premier procès, préférant rester dans sa prison. Lors d'un récent interrogatoire devant un juge, il a annoncé son intention de révéler "les motifs et les conditions" de sa fuite, qui lui aurait été suggérée par des personnalités.

Neuf journées d'audience sont prévues les 4, 5, 6, 12, 13, 18, 19, 20 et 25 novembre. La cour avait décidé le 4 mars de repousser le procès en raison de l'hospitalisation au Liban pour une "pancréatite" et un "stress" d'un autre prévenu, l'ex-PDG d'Elf Loïk Le Floch-Prigent, 59 ans.

Ce dernier, qui clame son innocence et rejette la responsabilité des faits sur Alfred Sirven, a été jugé apte à comparaître par une expertise médicale. Il a congédié ces dernières semaines l'avocat qui le défendait depuis six ans, Me Olivier Metzner, pour le remplacer par Me Philippe Pétillault.

ENQUETE A PART SUR LES FREGATES DE TAIWAN

Les cinq prévenus ont été condamnés à des peines de prison ferme en première instance le 30 mai 2001 pour "abus de biens sociaux" ou "recel": trente mois de prison, dont six mois fermes, pour Roland Dumas, 80 ans, 18 mois fermes pour Christine Deviers-Joncour, 54 ans, quatre ans fermes pour Alfred Sirven, trois ans et demi fermes pour Loïk Le Floch-Prigent, 18 mois fermes pour Gilbert Miara, 64 ans, (ex-amant de Christine Deviers-Joncour).

Le tribunal a, en outre, prononcé des amendes allant de 152.000 à 304.000 euros pour chacun des condamnés. L'affaire concerne le détournement présumé de 64,5 millions de francs (9,83 millions d'euros) des caisses d'Elf au début des années 90.

Christine Deviers-Joncour en aurait bénéficié sous la forme d'un emploi présumé fictif à Elf entre 1989 et 1993, d'un logement de 300 m2 dans le centre de Paris et de versements en Suisse.

Roland Dumas, qui fut l'un des hommes de confiance du président François Mitterrand, a démissionné de la présidence du Conseil constitutionnel en février 2000 en raison de cette affaire.

L'ex-ministre, récemment exclu du PS pour d'autres motifs, a été condamné en première instance pour avoir profité de l'appartement et pour des avantages estimés à 800.000 francs (121.959 euros): statuettes grecques antiques, bottines de luxe et repas au restaurant.

La vente de frégates militaires "Lafayette" à Taïwan par la société Thomson (aujourd'hui Thalès) en 1991 serait au coeur du dossier mais n'est pas concernée directement par le procès.

Effectuée pour un montant record de seize milliards de francs (2,439 milliards d'euros), cette transaction aurait été favorisée par Alfred Sirven, qui affirme avoir "recruté" Christine Deviers-Joncour pour faire pression sur son ami Roland Dumas.

En effet, la vente s'était effectuée après un revirement diplomatique de la France, qui l'avait d'abord bloquée pour ne pas déplaire à la Chine. Lors du premier procès, Roland Dumas a expliqué que c'est François Mitterrand et non lui-même qui avait donné le feu vert.

L'ex-ministre affirme que des centaines de millions d'euros de commissions ont été versés en marge de la vente. Les juges Renaud van Ruymbeke et Dominique de Talancé, qui enquêtent sur ces faits, ont retrouvé en Suisse plusieurs centaines de millions d'euros sur les comptes d'un intermédiaire, Andrew Wang, mais n'ont pas identifié de bénéficiaires français.

 

 

Affaire Elf: Roland Dumas de retour devant la justice

 
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PARIS (AFP) - Roland Dumas revient devant les juges, aujourd'hui à Paris, dans l'affaire des abus de biens sociaux commis aux dépens d'Elf, aux côtés de quatre autres prévenus, parmi lesquels son ancienne maîtresse, Christine Deviers-Joncour, et l'ancien numéro 1 du groupe Elf, Loïk Le Floch-Prigent.

A l'exception de la relaxe de deux des sept personnes renvoyées initialement dans ce dossier, les peines prononcées en première instance, en mai 2001, avaient été d'une particulière sévérité, chacun écopant de prison ferme quand la jurisprudence en la matière prévoit davantage le sursis.

Pour l'ex-ministre des Affaires étrangères et ancien président du Conseil constitutionnel, âgé de 80 ans, condamné à six mois de prison ferme et deux ans avec sursis, l'enjeu de ce procès en appel est de taille puisqu'il vise rien moins qu'une relaxe, annonce son avocat, Me Jean-René Farthouat. "Roland Dumas en a assez de cette affaire. Il est heureux que ce procès arrive pour pouvoir enfin en finir", commente-t-il. A l'issue du premier procès, une grande partie des fait imputés à l'ancien ministre avaient été abandonnés.

Mais la justice lui reproche toujours des recels d'abus de biens sociaux pour avoir bénéficié des largesses de son ex-maîtresse, Christine Deviers-Joncour - notamment la jouissance d'un très bel appartement à Paris et les fameuses bottines Berluti -, alors qu'il n'ignorait rien de l'origine douteuse de ses revenus.

De son côté, son ex-compagne, 55 ans, condamnée à trois ans dont 18 mois ferme, devra convaincre les juges de la réalité de ses prestations au sein de la compagnie pétrolière, pour justifier des quelque 64,5 millions de francs (9,8 M EUR) de salaires, commissions et avantages, qu'elle a reçus de Elf.

Principale inconnue de ce second procès : que diront Loïk Le Floch-Prigent et Alfred Sirven, anciens numéros 1 et 2 du groupe Elf ? Le premier, âgé de 59 ans, fragilisé psychologiquement et physiquement depuis sa condamnation à trois ans et demi de prison - son hospitalisation en mars dernier avait entraîné l'ajournement du procès en appel -, laisse entendre qu'il adoptera une défense plus agressive qu'en première instance.

Quant à Alfred Sirven, 75 ans, proclamé "deus ex-machina" du système Elf, jusuqu'ici parfaitement muet et condamné à 4 ans ferme, il a également fait savoir depuis la prison de la Santé, où il est incarcéré, qu'il allait "dire précisément quelle est sa place dans cette affaire", selon l'un de ses défenseurs, Me Eric Turcon. Le cinquième prévenu, Gilbert Miara, 64 ans, ex-homme d'affaires proche de Deviers-Joncour, reste une "pièce rapportée" dans ce dossier, résume son défenseur, Me Jean-Yves Liénard. Même si en première instance il avait tout de même écopé de 18 mois ferme.

Le procès s'achèvera le 25 novembre.